Paris prend des mesures contre un fléau à l’origine de problèmes d’insalubrité et de risques d’incendie : le syndrome de Diogène ou comment entasser des détritus et autres denrées alimentaires chez soi.
Si le philosophe grec Diogène, qui vivait dans son tonneau, pouvait prêter à sourire, le syndrome auquel il prête son nom s’avère dévastateur. Et il a tendance à se développer. Cette pathologie, qui se manifeste par une accumulation compulsive d’objets, de détritus, de denrées alimentaires et de vêtements chez soi, débouche sur des situations mêlant dégradation des logements et risques sanitaires. Le phénomène prend de telles proportions, notamment dans la capitale et la région parisienne, que le Conseil de Paris vient d’évoquer le sujet et la manière de le prendre en charge.
Une situation alarmante dans les beaux quartiers
Selon les spécialistes, le syndrome de Diogène est souvent lié à une situation d’isolement, que ce soit après un décès, un divorce ou une perte d’emploi. Il touche majoritairement des personnes âgées, à partir de la soixantaine, mais parfois beaucoup plus jeunes. Il semblerait que le phénomène soit également plus présent dans les beaux quartiers que dans les secteurs populaires, où l’isolement social peut être plus fort. Il y a quelques années, un agent immobilier avait ainsi mis en vente un beau logement situé dans une partie recherchée du 17e arrondissement sans avoir réussi à obtenir que son propriétaire le vide.
Des chiffres inquiétants
Maud Gatel, présidente du groupe Modem, Démocrates et Écologistes, a souhaité aborder ce sujet au Conseil de Paris. Elle estime que ce trouble envahissant n’est pas assez diagnostiqué par rapport à l’ampleur du phénomène et quand il est détecté, c’est généralement trop tard. En France, 1 personne sur 2000 serait touchée par ce syndrome mais l’on manque cruellement de statistiques officielles.
La dernière étude sur le sujet remonterait à 2010 et s’en est tenue au 15e arrondissement de Paris, comme le rappelle le site Actu.fr. Quant au Service technique de l’habitat (STH) de la Ville de Paris, il n’a recensé l’an passé que 133 situations d’incurie prises en charge. De son côté, la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) a comptabilisé 145 signalements spécifiques liés à un syndrome de Diogène en 2023, contre 107 en 2022.
Prévention et prise en charge
Pour mieux documenter ce syndrome et son évolution sur le territoire parisien, une étude menée en collaboration avec l’Agence régionale de santé d’Île-de-France va être réalisée. Côté prévention et sensibilisation, des actions seront menées auprès de gardiens d’immeubles, copropriétaires, syndics, professionnels de santé et artisans pour les aider à faire remonter des signalements avant l’envoi d’une équipe pluridisciplinaire pour assurer la prise en charge des cas.
Le syndrome de Diogène pose des enjeux majeurs de sécurité publique et de salubrité, particulièrement dans une ville aussi dense que Paris. Certains incendies récents ont été accélérés par des situations de Diogène, même si le départ de feu ne se fait pas forcément dans l’appartement concerné. Le vieillissement de la population parisienne contribue également à l’augmentation des cas.
Il est essentiel de mettre en place un accompagnement global et sur la durée pour les personnes atteintes, impliquant des équipes pluridisciplinaires, incluant des professionnels médico-sociaux, psychologiques et psychiatriques. Une intervention ponctuelle ne suffit pas, car sans suivi, le problème réapparaît rapidement. La surcharge des services psychiatriques ajoute une difficulté supplémentaire à la prise en charge.
Le signalement des cas de syndrome de Diogène peut être fait par diverses personnes : facteur, gardien d’immeuble, syndic, voisinage, livreur de repas, artisans. Bien qu’il existe une plateforme de signalement sur le site de la Ville de Paris, elle reste largement méconnue. Sensibiliser le public et les professionnels sur les gestes à faire et à ne pas faire est essentiel pour éviter des conséquences graves, comme pousser involontairement une personne au suicide.
Les inspecteurs de la salubrité, accompagnés d’infirmiers psychiatriques, interviennent à domicile pour mettre en place un accompagnement dès le début du signalement. Chacun, du gardien d’immeuble au livreur de repas, peut jouer un rôle de sentinelle pour détecter et signaler ces situations.
Pour effectuer un signalement, il suffit de se rendre sur la page dédiée du site de la Ville de Paris : https://www.paris.fr/pages/lutte-contre-l-insalubrite-113. Les signalements sont examinés par les inspecteurs de la salubrité et peuvent conduire à un arrêté de la préfecture de police pour ordonner le désencombrement et le nettoyage, même si la personne concernée s’y oppose.