Un proche atteint du syndrome de Diogène ?
C’est quoi le syndrome de Diogène ?
Le syndrome de Diogène est une forme de trouble comportemental associant une tendance à l’accumulation d’objets (la syllogomanie), une négligence de l’hygiène corporelle et domestique et, le plus souvent, un isolement social prononcé sans la moindre nécessité de se plaindre de cette situation.
Toutes ces conditions réunies sont propices à une vie insalubre et à la dégradation du logement occupé par une personne atteinte du syndrome de Diogène. Une pathologie qui touche essentiellement, mais pas uniquement, des personnes âgées et qui apparaît, dans un très grand nombre de cas, à la suite d’un choc psychologique comme le décès d’un proche ou un changement radical de situation.


Comment reconnaître une personne atteinte du syndrome de Diogène ?
Prévalence : Qui est touché par le syndrome ? Existe-t-il un profil type ?
Moins courant, mais pourtant existant chez les jeunes, le syndrome de Diogène concerne plus facilement les personnes âgées de 70 à 80 ans, qui vivent seules. Avec une espérance de vie supérieure, les femmes sont aussi plus fréquemment touchées, notamment à la suite du choc psychologique causé par le décès de leur conjoint.
Toutefois, on considère qu’il n’existe pas de profil plus exposé à ce phénomène qu’un autre. Homme ou femme, actif ou non, en bonne santé, atteint par une maladie psychiatrique, psychologique, ou non, chacun peut être concerné par le syndrome de Diogène. Par ailleurs, toutes les catégories sociales sont représentées parmi les patients ; résidents de la ville ou de la campagne, en maison comme en appartement et quelle que soit la taille du domicile.
Quels sont les symptômes du syndrome de Diogène ?
Difficile à identifier parce que relativement diffus au sein de la société, le syndrome de Diogène peut passer inaperçu pendant des mois et même des années, jusqu’à ce qu’un proche ou un membre du corps médical se pose des questions. Généralement, voici les symptômes qui éveillent les premiers soupçons bien qu’ils ne s’observent pas systématiquement ensemble.
Un rapport accumulatif aux objets
Les personnes atteintes par le syndrome de Diogène conservent et accumulent absolument tous les objets du quotidien à l’intérieur de leur domicile indépendamment de toute logique, de leur état ou de leur valeur, jusqu’à l’encombrement parfois total d’un logement devenu impraticable et parfois insalubre. Le point commun entre ces objets ? Un caractère hétéroclite et inutile, voire brisé ou avarié. Il est alors question d’une forme de syllogomanie poussée à l’extrême.
Parmi les cas les plus spectaculaires, on peut citer les frères Homer et Langley Collyer, tous deux décédés en 1947 sous l’effondrement d’un tunnel conçu par leurs soins, à l’aide d’une partie des près de 100 tonnes de déchets retrouvées dans leur appartement new-yorkais.

Une grande négligence face à l’hygiène
L’incurie se traduit par une négligence parfois absolue en matière d’hygiène personnelle, d’image et de santé, pouvant mener à l’apparition d’infections ou de maladies. Un symptôme qui permet parfois à lui seul de détecter le syndrome de Diogène. Mais l’incurie concerne aussi le logement, totalement laissé à l’abandon et livré à l’insalubrité, sans plus aucune forme ni de rangement, ni de nettoyage.
Emballages, journaux, vêtements, appareils en tous genres (fonctionnels ou non) ou animaux (animal hoarding)… le « Diogène actif » accumule tout. Vaisselle, poubelles, ou même, bien que plus rarement, excréments, le « Diogène passif » cesse quant à lui, de prendre soin de son environnement.
Un rapport aux autres quasi inexistant
Bien souvent, l’isolement le plus complet entoure la personne qui perd progressivement tout contact avec ses amis, sa famille et ses voisins, qu’elle refuse de voir et plus encore, de laisser entrer chez elle.
Ainsi, au-delà du repli sur soi et du refus de toute aide extérieure, la misanthropie (mépris du genre humain dans son ensemble) fait partie des symptômes courants du syndrome de Diogène, entraînant cynisme (mépris des conventions et des principes moraux) et rejet face au monde extérieur dont les patients estiment n’avoir aucun besoin.
Il faut ici dire quelques mots de Diogène de Sinope, philosophe grec, surnommé le Cynique en raison de son appartenance à l’école philosophique du même nom, connu pour son mode de vie non conventionnel et spartiate. L’homme vécut toute sa vie dans le dénuement le plus total, rejetant les conventions sociales et la société elle-même. Le syndrome lui emprunte son nom.
Un déni de réalité jusqu’au refus
Si la relation aux objets, au corps et aux autres, des personnes concernées par Diogène est hors norme, elles n’en sont, pour autant, pas forcément conscientes et n’y trouvent d’ailleurs bien souvent rien à redire. Une forme de déni peut ainsi accompagner ce trouble du comportement et les pousser à refuser toute aide ou intervention extérieure.
Qui peut diagnostiquer un cas de syndrome de Diogène ?
Un patient concerné par le syndrome de Diogène ne demandera pas à se faire aider dans la mesure où rien, ni dans son comportement ni dans ses conditions de vie, ne lui paraît anormal. Il est donc nécessaire que le diagnostic vienne de l’extérieur.
Le médecin généraliste est souvent le premier à détecter le syndrome lors d’une visite de routine, qui plus est si elle se déroule à domicile.
Psychiatres et psychologues sont quant à eux spécialisés dans les troubles du comportement plus ou moins sévères. Sur demande du médecin, ils peuvent intervenir et diagnostiquer un syndrome de Diogène avant d’élaborer ensemble, une thérapie globale d’accompagnement.
Si le patient est âgé ou si des symptômes de démence apparaissent, un gériatre pourra être impliqué en vue d’un suivi physique et psychique adapté.
À noter que le diagnostic d’un syndrome de Diogène est complexe et qu’il nécessite presque toujours une approche multidisciplinaire afin d’être personnalisé et précisément établi.
Quelles sont les causes de l’apparition du syndrome ?
Les médecins éprouvent encore aujourd’hui des difficultés à se prononcer quant au syndrome de Diogène et à ses origines. Ainsi, plusieurs hypothèses cohabitent et se complètent. Elles sont le résultat d’une synergie d’éléments antérieurs et concomitants au syndrome et s’étudient au cas par cas.
Aucun consensus médical
Parce que Diogène est un trouble relativement rare, mais surtout en raison de sa complexité, il n’existe aucun consensus permettant de le définir ou de le diagnostiquer sans l’ombre d’un doute. Cependant, un cadre général tend à s’étoffer de caractéristiques toujours plus nombreuses dont les principales sont une grande négligence de soi et de son environnement, un comportement d’accumulation compulsif et anarchique et un isolement social profond (syndrome hikikomori).
Des troubles psychiatriques sous-jacents
Bien que le syndrome de Diogène ne soit pas considéré comme un trouble psychiatrique en soi, et bien que cela ne soit pas systématique et qu’il puisse exister de façon isolée, il est souvent associé à d’autres troubles mentaux ou du comportement, tels que le trouble obsessionnel compulsif (TOC), le trouble dépressif majeur, les troubles anxieux, la schizophrénie ou une déficience neurocognitive.
Les suites d’une démence sénile
Hostilité, anosognosie (déni de maladie) et syllogomanie sont trois symptômes communs à la démence sénile et au syndrome de Diogène. Cependant, il est important de noter que leur présence, même commune, ne permet pas non plus d’établir un diagnostic certain, le syndrome de Diogène pouvant être antérieur ou postérieur à la démence.
Malgré tout, les maladies neurodégénératives telles qu’Alzheimer, Parkinson ou la maladie à corps de Lewy, peuvent augmenter le risque d’apparition du syndrome de Diogène en raison de différents facteurs tels que le déclin cognitif, l’isolement social et d’autres éléments psychologiques que sont la dépression, l’anxiété ou l’apathie.
La conséquence d’un traumatisme
Si là encore aucun lien direct n’a pu être clairement établi, les recherches suggèrent qu’un traumatisme remontant parfois à la petite enfance, pourrait être à l’origine du développement de cette condition mentale complexe, notamment par :
- un détachement émotionnel et un retrait social qui augmentent le risque d’isolement et de négligence de soi ;
- des mécanismes d’adaptation nocifs, tels que la syllogomanie, pour gérer le stress traumatique ;
- des problèmes de santé mentale sous-jacents (dépression ou anxiété) déclenchés ou exacerbés par le traumatisme.
Comment aider une personne atteinte du syndrome de Diogène ?

La confiance est la clé. Il est pratiquement impossible d’obliger une personne atteinte par le syndrome de Diogène à changer de mode de vie avec succès. Toutefois, si vous faites partie de son entourage, si vous êtes un ami ou si vous êtes de la famille, soyez patient, respectueux, compréhensif et appréhendez le fait qu’un long chemin vous attend avant de procéder par étapes.
Communiquer et ne rien imposer
Dans un premier temps, puisque la personne n’a pas conscience de son problème, il est essentiel de ne pas prendre les choses frontalement. L’effet pourrait être contraire à celui recherché.
L’approche la plus pérenne consiste à faire preuve de douceur, d’empathie et de compréhension, jusqu’à pouvoir pénétrer dans le logement, discuter avec le patient et commencer, avec son accord, à débarrasser les objets, un à un.
Organiser une prise en charge sociale
Le bailleur ou le syndic de l’immeuble doivent être avertis très rapidement. En parallèle, les travailleurs sociaux sont une aide précieuse concernant toute la partie logement, organisation et accès aux soins pour le patient.
Ici, le service social de la mairie (CCAS) est un premier contact, notamment si la situation est urgente et présente un risque pour la personne, pour son domicile ou pour le voisinage (insalubrité, cafards, rats, incendie…).
En effet, avant toute prise en charge, un désencombrement et un nettoyage complet du domicile s’avèrent inévitables. Une opération qui peut débuter en présence du patient dans le cadre d’un maintien à domicile ou s’opérer pendant son hospitalisation. À cette étape, le recours à une société de nettoyage professionnelle est indispensable.
Anticiper une prise en charge médicalisée
Face à un potentiel syndrome de Diogène, le médecin traitant, habituellement plus proche des patients, peut être le premier recours, ainsi que certains services médicaux légaux formés pour accompagner les familles. C’est le cas du centre médico-psychologique (CMP) du lieu de domicile, des plateformes territoriales d’appui (PTA) ou des Centres locaux d’information et de coordination (CLICS) présents dans chaque département.
Un accompagnement individualisé pourra ainsi être mis en place en trois temps :
- l’évaluation initiale est un temps de diagnostic du syndrome, de ses comorbidités et des risques liés,
- l’intervention au domicile et pour la santé du patient, laquelle doit être réalisée avec le plus de sensibilité et de patience possible,
- un suivi personnalisé et à long terme sur le plan social, psychologique et psychiatrique.
Selon le profil du patient, un psychiatre ou un neurologue pourra également prendre part au diagnostic et à son suivi médical et psychologique.
Mettre en place un suivi psychologique
Si certains patients ont la possibilité de rester chez eux grâce aux visites régulières de leur équipe soignante, d’autres devront être hospitalisés, parfois même en unité psychiatrique ou en maison de retraite. Néanmoins, dans chaque cas, une approche flexible, respectueuse, douce et des soins dispensés en continu sont nécessaires en vue d’une prise en charge positive.
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) vise à identifier et modifier les schémas de pensée et de comportements dysfonctionnels qui alimentent le syndrome de Diogène. Elle peut également permettre de développer des stratégies d’adaptation efficaces pour gérer stress, anxiété ou TOC (troubles obsessionnels compulsifs) plus facilement.
En encourageant l’acceptation des pensées et des émotions difficiles, la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) aide les individus à se concentrer sur des actions et des valeurs importantes à leurs yeux. De quoi favoriser un changement de comportement positif.
Centrée sur les relations à l’autre et les compétences sociales, la thérapie interpersonnelle tend à rompre l’isolement des personnes concernées par Diogène.
En outre, une thérapie familiale peut s’avérer utile afin d’impliquer les membres de la famille dans le processus de traitement et pour les aider à comprendre et à soutenir leur proche.
S’entourer des bons intervenants
Ne restez pas seul(e) face au syndrome de Diogène et à son ampleur. Pour aider la personne concernée, entourez-vous des meilleurs intervenants, professionnels de santé, psychologue, psychiatre, infirmiers, curateurs, du maire, du service communal d’hygiène et de santé… lesquels se réuniront régulièrement pour évaluer la situation à vos côtés.
C’est également à cette équipe pluridisciplinaire que revient la gestion du lieu de vie et de son assainissement, ainsi que la poursuite des soins sur le long et le très long terme.
Comment aider ?

Malgré une réticence forte à être épaulé et aidé, les personnes atteintes du syndrome de Diogène, syllogomanes et autres « mendiants thésauriseurs » ont d’autant plus besoin de soutien et d’aide.
Face à cette situation médico-sociale, la loi n’oblige pas les médecins ni le corps médical dans son ensemble à intervenir, c’est pourquoi l’approche psychologique d’une prise en charge, si elle est primordiale et nécessaire, s’avère aussi délicate et complexe…
Nettoyage après Diogène

Pour des raisons évidentes de sécurité et d’hygiène, aussi bien pour le patient que pour son voisinage, il est impératif de ne pas laisser les personnes atteintes du syndrome de Diogène ou de syllogomanie dans les conditions de vies qu’elles se sont construites année après années.
L’intervention de professionnels du nettoyage après Diogène est impérative mais n’est qu’une étape du long processus de réhabilitation des personnes concernées…
Suivi psychologique

Après avoir correctement identifier le syndrome et avoir réussi à entamer un contact, c’est une démarche longue et complexe qui s’entame comme le souligne parfaitement Émilie GUITARD et Igor KRTOLICA à travers leur article sur le sujet. Face à cette mise à l’écart spontanée de la société que Furtos qualifie d’« auto-exclusion », les proches comme les professionnels sont confrontés à de multiples questions éthiques : comment aider à la prise de conscience de la situation ? Quelle légitimité à agir ?
Comprendre le syndrome de Diogène : les questions fréquentes
Le syndrome de Diogène est il héréditaire ?
Le syndrome de Diogène, également connu sous le nom de syndrome d’accumulation compulsive ou de syllogomanie, n’est pas strictement héréditaire, mais il peut y avoir des facteurs génétiques et familiaux qui augmentent la probabilité de son développement.
Comment s'appelle la maladie des gens qui gardent tout ?
Souvent confondue avec le syndrome de Diogène, la maladie des gens qui gardent tout est la syllogomanie ou syndrome d'accumulation compulsive. Ce trouble est caractérisé par l'incapacité persistante de se débarrasser d'objets, indépendamment de leur valeur ou de leur utilité, ce qui entraîne une accumulation excessive d'objets qui encombrent et rendent les espaces de vie inutilisables.
Comment aider une personne atteinte du syndrome de Diogène ?
Il s'agit d'un défi complexe qui nécessite de la patience, de la compréhension et une approche multidisciplinaire. Consulter tout d'abord un professionnel de la santé mentale afin d'établir un diagnostic et envisager les moyens d'action : prise en charge sociale et thérapie comportementale cognitive (TCC) ou traitement médicamenteux
Sources :
A. Clark, G. D. Mankikar et I. Gray, « Diogenes syndrome. A clinical study of gross neglect in old age », The Lancet, 15 février 1975 ; 1
(7903):366-8.
Jean-Claude MONFORT et al. Le syndrome de Diogène et les situations apparentées d’auto-exclusion sociale. Enquête descriptive. Psychologie et Neuropsychologie du vieillissement. 2010/8
Jean-Claude MONFORT et al. Diogenes syndrome : a prospective observational study. Journal of Aging Research and Clinical Practice. Volume 6, 2017.
Rosenthal M., Stelian J., Wagner J., Berkman P. Diogenes syndrome and hoarding in the elderly: case reports. Isr J Relat Sci. 1999; 36(1): 29-34
Leonardo F. Fontenelle, Julia E. Muhlbauer, Lucy Albertella, and Jan Eppingstall. Traumatic and stressful life events in hoarding: the role of loss and deprivation. 2021. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8312593
Autres troubles du comportement
Les autres troubles du comportement qui peuvent être parfois confondus avec le syndrome de Diogène :
Syllogomanie
La syllogomanie est un terme peu connu qui regroupe les personnes ayant un trouble sévère d’accumulation compulsive. Découvrez ce que cache ce comportement excessif vis à vis des objets.
Incurie
Si l’incurie est au départ un abandon total des conventions sociales, il est aujourd’hui surtout synonyme de négligence extrême, que ce soit pour soi-même ou pour son logement.
Syndrome de Korsakoff
Le Syndrome de Korsakoff ou de démence de Korsakoff (encore appelé parfois syndrome amnésique) est un trouble neurologique très handicapant qui se caractérise par des oublis importants dus à des lésions irréversibles au niveau de certaines régions du cerveau.
Symdrome Hikikomori
Le syndrome hikikomori désigne un repli extrême sur soi, où une personne, souvent jeune, s’isole socialement pendant des mois ou des années, évitant tout contact extérieur, souvent en restant confinée dans logement.