Pourquoi et comment se manifeste le syndrome de Diogène : Symptômes et conséquences

Pourquoi le syndrome de Diogène touche-t-il un de vos proches ? Comment se manifeste-t-il ? Comment peut-on le détecter chez quelqu’un ? Peut-on le prévoir ? Peut-on guérir du syndrome de Diogène ? Autant de questions que vous vous posez et auxquelles vous devez pouvoir répondre. Nous allons tenter d’en savoir plus et de comprendre les manifestations  de ce symptôme pas comme les autres…

Etiopathogénie (1) : l’étude des causes et circonstances des découvertes

La toute première étude sur le sujet a eu lieu en 1966. Mac Milan et Shaw, deux psychiatres anglais, divulguent une étude sur 72 personnes âgées vivant dans des conditions d’hygiène inquiétantes (tant au niveau domestique que personnel). Ils ont remarqué chez ces patients un effondrement excessif de leur propreté environnementale et personnelle. Ils avaient nommé ce tableau « syndrome de décompensation sénile ».

C’est seulement en 1975 que le nom « syndrome de Diogène » sera rendu public à la suite d’une publication de Clark, Mankikar et Gray, «Diogenes’ syndrome: a clinical study of gross neglect». Cette dénomination est issue du nom de philosophe grec, vivant 4ème siècle av J.C, Diogène de Sinope, dont l’objectif (ou son rêve), à l’époque, était de vivre au plus près possible de la nature. Pour accéder à une plus grande liberté matérielle ainsi que mentale, il fit quelques exercices restrictifs pour arriver à un mode de vie à l’envers et à l’encontre toutes les conventions sociales.

L’objet de cette étude de Clark, Mankikar et Gray était d’analyser 30 cas cliniques (14 hommes et 16 femmes dont 28 vivaient seuls) souffrant souvent de carences (acide folique, vitamine B12, D ou E, calcium, etc.) mais pour qui il était impossible de diagnostiquer un trouble psychiatrique (en tout cas  pour la moitié d’entre eux). La forte ressemblance des cas étudiés à la façon de vivre de Diogène a poussé Clark et consorts à identifier toutes les personnes rassemblant ces symptômes comme des personnes atteintes du syndrome de Diogène. C’est pour cette raison que cette « pathologie » a été nommée « syndrome de Diogène ».

Il n’y a cependant pas de consensus de la part du corps médical sur  les mécanismes pathogéniques (la pathogenèse ou pathogénie désigne le ou les facteurs responsables du déclenchement et du développement du syndrome). Deux hypothèses existent : l’une considère ce syndrome comme une pathologie psychiatrique et l’autre plus comme le choix d’un mode de vie et l’expression du libre arbitre, à l’image de Diogène. On peut néanmoins classer ces causes sous trois grands axes :

  • L’approche médicale, quand il s’avère que le bilan médico-social est en mesure de mettre en évidence une maladie comme une démence de type Alzheimer ou fronto-temporale, une maladie schizophrénique, une paranoïa ou trouble paranoïaque ou encore une maladie liée à l’alcoolisme (syndrome de Korsakoff).
  • L’approche de la personnalité : les individus atteints du syndrome de Diogène, la plupart du temps, une personnalité exceptionnelle, qui peut être marqué par une intelligence au-dessus de la moyenne, un caractère fort, une personnalité riche et complexe, parfois même attirante ou séduisante mais la plupart du temps très difficile à vivre.
  • L’approche d’une histoire de vie particulière : pour le Dr Jean-Claude Monfort, tout semble se déclencher entre l’âge de zéro et trois ans. Il explique ainsi : « Par une sorte de cataclysme survenu entre 0 et 3 ans, se retrouvant seul, en carence affective, l’enfant, pour survivre, aurait été amené à faire un choix non conscient : ne jamais compter sur autrui. Mais, parvenues à l’âge adulte, ces personnes, à l’intelligence hors norme, et à la personnalité affirmée, peuvent s’effondrer d’un instant à l’autre. » C’est ensuite l’apparition ou la réapparition de cette façon de voir le monde qui une fois l’âge adulte atteint semble complètement inadapté et incompréhensible pour les autres.

Pour Clark, qui ne retrouve pas de pathologie psychiatrique ni d’altération cognitive chez la moitié de ses patients, le syndrome est comme une réaction à un stress existant chez le patient à cause de son âge avancé et en particulier chez les sujets dont la personnalité est prédisposée à l’anxiété, la morosité ou l’isolement. Il se figure donc que le syndrome est une réaction active et une dégradation passive. Cette théorie est remis en cause, notamment par Rosenthal, qui a étudié le sujet en 1999 (2). Il met en avant le fait que sur les 30 patients analysés, 14 sont décédés et que les tests d’intelligence et de personnalités n’ont pu être menés que sur les 16 patients restants. De quoi s’interroger sur l’état mental de la moitié du pool de participants à l’expérimentation.

Approche psychopathologique

Que faut-il faire pour appréhender ce trouble comportemental ? De nombreuses hypothèses ont été évoquées pour mieux expliquer la situation et tenter d’apporter une réponse en termes de prise en charge. Une équipe suisse de Genève avait proposé une hypothèse par rapport à la structure de personnalité des personnes vivant dans un total désordre. L’équipe avait relevé que les personnes atteintes présentent une personnalité du genre paranoïaque. Clark, quant à lui, interprète la situation comme une réaction au stress des personnes âgées par rapport à une personnalité prédisposée. Selon lui, ces personnes ne présentent pas des pathologies psychiatriques avérées.

D’après l’approche de Chebili, les personnes atteintes du syndrome de Diogène ont plutôt la problématique de deuil. Chebili confirme que la fréquence des deuils pourra entraîner un trouble psychologique et comportemental chez quelqu’un, surtout au cours de sa vieillesse. D’après les études réalisées auprès des personnes atteintes par le syndrome d’entassement, il est à remarquer que la plupart des personnes atteintes par ce trouble montrent une incapacité à oublier leur passé. Par exemple, si des parents perdent leur enfant dès son plus jeune âge, il leur saura bien évidemment impossible de digérer cette perte. Si d’autres deuils venaient à se produire dans une fréquence élevée, cela augmentera largement le risque potentiel d’apparition d’un trouble comportemental.

Risques et conséquences

Comme ce trouble comportemental engendre un état d’insalubrité important au sein du domicile ainsi qu’aux alentours, de nombreux risques collatéraux peuvent se présenter. Puisque la personne atteinte par ce syndrome amasse de nombreux objets, les risques dépendent notamment de ces objets entassés.

D’abord les risques biologiques liés à la prolifération des insectes, des animaux et vermines, des bactéries et moisissures (voir en vidéo des situations réelles de logement rendus insalubres)… Puis, des risques chimiques en liaison à la toxicologie environnementale : l’intoxication au CO2, l’alimentation avariée, l’eau souillée, les produits de nettoyage, la perte de tolérance aux produits chimiques… Ensuite, l’amassement des papiers ainsi que des autres produits combustibles augmentent très largement le risque d’incendie. Enfin, ce peut engendrer des gênes psychologiques et physiques dues à la mauvaise odeur et aux mauvaises conditions d’hygiène : inconfort, troubles de l’humeur, anxiété, trouble de sommeil…

Comment réagir et quoi faire face à ce syndrome ?

Face à des situations comme celles-là, il est d’abord important de poser les bonnes questions. S’agit-il d’un réel cas pathologique ou seulement d’un choix de vie ? L’intervention d’un médecin est-elle nécessaire ? Est-elle véritablement justifiée ?
Autant de questions qu’il faut se poser avant d’envisager une quelconque action thérapeutique.

Pour en savoir plus sur sur la manière de réagir et de prendre en charge un cas de syndrome de Diogène, suivez nos conseils : Approche psychologique, prise en charge et éthique


1. La pathogenèse ou pathogénie désigne l’étude des facteurs ou processus responsables du déclenchement et du développement d’une maladie. Pour en savoir plus : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pathogenèse

2. Rosenthal M., Stelian J., Wagner J., Berkman P. Diogenes syndrome and hoarding in the elderly: case reports. Isr J Relat Sci. 1999; 36(1): 29-34